Reora

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Reora s'affala à côté de sa mère, un large sourire ravi aux lèvres, et s'endormit instantanément. Elle avait veillé toute la nuit aux côtés de Melarorah, dans l'attente de la venue au monde de ses nouveaux frères et soeurs, et avait été gentiment écartée par son père à l'approche de l'aube afin de laisser la reine tranquille.
Lorsque Saïd l'avait enfin laissée s'approcher de sa mère, Reora avait à peine eu le temps d'admirer sa nouvelle fratrie avant de s'assoupir.
Attendrie, Melarorah leva la tête vers son époux et lui sourit tendrement.

"Voici Melyeth et Linka, tes filles."

Les deux nouvelles-nées rampèrent jusqu'à leur soeur aînée et tétèrent au hasard son pelage et ses oreilles.
Partagé entre sa fierté et sa déception de ne pas avoir engendré de fils, Saïd s'assit et observa les trois soeurs avec amour. Ses filles... Ses princesses, ses héritières... Il espéra que Melyeth et Linka seraient à la hauteur de leur soeur, qui promettait beaucoup et qu'il éduquait soigneusement, comme son père l'avait éduqué.
Le roi remarqua soudainement l'air inquiet avec lequel sa compagne observait leurs enfants. Il sourit et appuya son museau contre le sien pour la rassurer. Elle sourit à son tour, semblant vaguement apeurée, ce que Saïd ne comprenait pas. Melarorah sembla faire un effort sur elle-même mais ses yeux trop bleus étaient transparents et dissimulaient mal ses sentiments, un trait physique qu'elle avait légué à Reora...
...Reora qui avait hérité du ventre clair de sa mère, de ses yeux bleus...

"Hmmm..."

Saïd considéra la portée avec plus d'attention, avec le pressentiment d'un problème. Linka était son portrait craché comme sa jumelle était celui de Melarorah... mais aucun de ses traits ne reparaissait en Reora. Son regard alors dénué de toute affection observait les trois soeurs avec acuité, cherchant d'où venait le malaise qu'il ressentait. Aussi loin qu'il se rappelait, nul dans sa famille ou dans celle de la reine n'avait eu le pelage roux.
L'arrivée de l'ancienne reine, Mereda, mit un terme à ses réflexions. Elle serra affectueusement son fils entre ses pattes et lécha le crâne de Melarorah.

"Toutes mes félicitations, Votre Majesté."

Elle regarda ses petites-filles avec amour.

"Qu'elles sont belles, mes chéries."

L'ancien roi quand à lui avait un sourire et un regard si moqueurs et si cruels que Saïd ressentit à nouveau son malaise.

"Elles sont toutes trois bien dignes de leur père." dit-il sans que le roi put deviner les intentions de Dazme. N'y avait-il pas un sous-entendu insultant dans sa phrase ?

Un grondement de Saïd suffit à faire battre en retraite son père. Mereda l'entraîna en s'excusant auprès de son fils et de sa belle-fille.
Lorsque Malicio, le fils aîné de Mereda, arriva à son tour pour présenter ses hommages à son roi, il comprit le problème en un battement de paupières. Son visage était si inexpressif que Saïd s'éloigna de sa femme.

"Viens." lui dit-il simplement.

"J'ai à te parler."

Melarorah les regarda s'éloigner, inquiète. Lorsque Malicio se retourna à demi pour lui jeter un regard, une envie de hurler la saisit. Le profil de Saïd était dur et fermé alors qu'il parlait à son demi-frère.
L'expression effrayée de Melarorah confirma tous les doutes de Malicio. Une question pourtant restait insoluble. Quel était le lion qui avait osé porter la patte sur la reine ?
Plongé dans ses pensées, Malicio ne vit pas Saïd revenir vers sa compagne. Très froid, il écarta doucement les lionçonnes de leur mère et se retourna vers son frère.

"Mali, emmène-les... toutes..."

Tapie au sol, Melarorah ouvrait des yeux épouvantés mais ne fit aucun geste pour retenir ses filles auprès d'elle. Lorsqu'il eut déplacé Reora et ses soeurs, Malicio eut l'impulsion de revenir auprès de son frère et de sa belle-soeur mais ce qu'il vit l'en empécha. D'un coup de patte, Saïd avait giflé sa compagne, lui ouvrant la joue jusqu'à l'os.
Indécis, le lion jugea plus prudent de rester auprès de ses nièces, au cas où la fureur de leur père se fut tournée vers elle. Il contempla Reora durant son sommeil, apitoyé par le sort qui l'attendait.

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Le soir venu, ni Saïd ni Melarorah n'avaient reparu. Vaguement inquiet, Malicio fit venir auprès de lui sa mère et son beau-père. Si Reora était assez grande pour s'en passer, Linka et Melyeth avaient un besoin vital de leur mère. Juste comme Mereda léchait les petites pour les réconforter, le roi reparut. D'un regard sombre, il défia quiconque de lui parler puis abaissa son regard vers ses filles.

"Mère... amenez Melyeth et Linka à leur mère, elles en ont besoin."

Il regarda ensuite Reora, qui sommeillait toujours, puis Malicio. Son regard se durcit alors que les traits de son demi-frère se décomposaient. Sans un mot, Saïd se détourna. Il n'y avait rien à ajouter.
Dazme éclata d'un rire tonitruant et regarda sa femme, fier de son fils, avant de prendre Linka dans sa gueule et de s'éloigner. Mereda en fit autant avec son autre petite-fille. Décontenancé, Malicio les regarda disparaître. Seule sa mère se retourna pour lui lancer un regard triste mais il n'était pas en son pouvoir d'intervenir.

"Et c'est tout ? Ca se finit comme ça ? On n'en saura jamais plus ?"

"Chéri... Ton frère est roi... Il ne peut admettre le moindre doute sur la fidélité de sa reine et le sang de ses héritiers... Tu dois aussi admettre que Reora n'a rien de Saïd... et qu'un soupçon suffit. Si tout le monde n'est pas certain que nos princesses sont les filles de notre roi..." souffla Mereda.

Malicio s'assit, stupéfait. Sa jolie nièce préférée allait se réveiller, dans un instant ou quelques heures, et tout se serait écroulé autour d'elle ? On ne lui en donnerait jamais un mot d'explication ? Demain elle serait la lie du groupe et ce serait tout, la vie continuerait comme si de rien n'était, avec deux princesses au lieu de trois ? Parce qu'elle était rousse et Linka grise ?
Soufflé, le lion regarda sa nièce avec commisération. Il n'allait pas prendre son parti, il ne le pouvait pas, il le sentait. Face au roi, Reora était indéfendable, preuve vivante de la trahison de la reine.
Malicio soupira. Depuis que sa mère s'était remariée avec Dazme après la mort de Malero, le jeune lion avait été élevé dans le respect, l'amour et la crainte du sang royal de la Terre du Tonnerre. Dazme avait été un admirable beau-père, qui lui avait inculqué de bons principes, et Saïd avait toujours fait le maximum pour gérer au mieux son royaume, dans le respect du passé et du futur. Il laisserait un royaume enrichi et agrandi à ses descendants, c'était un fait, et pour cela il se devait de veiller à la pureté de sa lignée. A travers l'histoire, Reora n'était et ne serait jamais qu'une tâche de boue, preuve de la faiblesse des lions...
Malicio se reprit.

*Ah, j'ai bien appris les leçons de Dazme.* se gronda-t-il.

*Ce n'est pas une tâche de boue, c'est Reora, une jolie et gentille petite qui ne demande qu'à faire de son mieux, bon sang ! Peut-être, dans dix générations dira-t-on que c'en est une et dans cent on l'aura oubliée mais pour l'instant, c'est une petite qui ne demande qu'aide et affection !*

[Invité]

Faut-il préciser que Malicio ne s'était jamais senti l'âme d'un héros ? Il se souvenait vaguement de son père, Malero, un jeune lion bravache à la crinière rousse, à peine sorti de l'adolescence et qui avait été plus un frère qu'un père pour lui. Malero... Malero avait essayé d'être un héros, lorsque deux lions étrangers s'étaient emparés du clan de son père. Il avait laissé là lionnes et lionceaux pour affronter les intrus et n'était jamais revenu dans sa famille...

*Un jeune idiot...* songea mélancoliquement son fils, qui songea soudainement qu'il avait dépassé depuis longtemps l'âge qu'avait Malero à sa mort. Cela lui donna une sensation étrange, comme si le temps s'était inversé, qui acheva d'émousser sa révolte.

Lorsqu'il fut certain que Malero ne reviendrait plus, Mereda avait pris la tête du groupe, au mépris de toutes les lois. Il était pour elle hors de question que le premier lion errant venu prenne la place du jeune défunt. Elle si sage, si posée, si raisonnable, avait alors laissé là toutes ses préoccupations de lionne, la chasse, la sieste, le soin des petits, pour se consacrer uniquement à la défense de son territoire.

Malicio se souvenait vaguement de cette période où, accablé par la perte de son père, il avait vu sa mère disparaître peu à peu de sa vie, toujours aux frontières, en vadrouille, en chasse, à risquer sa vie pour chasser les rôdeurs.

Puis Dazme était venu, le lion gris à la crinière de neige. Lui aussi avait entendu parler de cette harde sans roi, qui s'offrirait à celui qui terrasserait la lionne folle qui s'en était fait la gardienne.

*Meredazme... Dazmereda... L'un commence là où l'autre finit...*

Lui, Mereda ne l'avait pas chassé. A leur première rixe, il avait su la mettre à terre puis, alors qu'elle pensait sa dernière heure déjà bien entamée, il s'était détourné et était parti. Il était revenu le lendemain, l'avait à nouveau battue et s'en était retourné. Chaque jour il ne venait que pour se battre, la mettre à terre et repartir.

Cela prit du temps, beaucoup de temps, mais peu à peu leurs combats se muèrent en entraînement, puis en jeu. Mereda sentit qu'elle ne risquait rien avec ce lion.

"Je te prouverais, inlassablement, que je suis digne d'être ton roi." furent les dernières paroles que prononça Dazme avant que Mereda ne l'accompagne jusqu'au reste du groupe.

Chose rare qui la toucha plus qu'elle n'aurait su le dire, il épargna les lionceaux et s'impliqua dans l'éducation de Malicio.

[Invité]

Trop belle histoire, tu l'as trouvé où la lionne de Melarorah car elle est trop belle

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